Pourquoi allier histoire de l’art et philosophie?

Les places laissées à l’art et à la philosophie dans la société française semblent comparables sous un double aspect. En premier lieu, ces disciplines sont entendues essentiellement sous l’angle de l’histoire de l’art ou l’histoire des idées, en somme comme des aspects de la culture générale. Or dans une société de plus en plus orientée vers la promotion de l’individuel, du particulier, de plus en plus régie par l’économie au détriment du politique, la culture générale est de moins en moins perçue comme nécessaire pour permettre aux citoyens de se fondre dans la Cité et y participer. En dehors de cette entrée admise par l’histoire, l’art et la philosophie sont considérées comme affaire de spécialistes, d’experts techniques – c’est-à-dire affaire de philosophes ou bien d’artistes.

La philosophie avec les enfants dérange la perception largement partagée dans la société française de la philosophie, car elle affirme que la pensée philosophique doit être au cœur d’une discipline « philosophie » non réservée à des experts, mais intégrée au bagage « général » de formation de tout citoyen.

Une éducation à l’art mérite d’être elle aussi offerte à tous, pour deux raisons. D’abord, parce que l’art est propre à l’Homme, et qu’il semble naturel de valoriser aux yeux des Hommes ce qui les distinguent du reste des êtres vivants, pour mieux faire saisir la singularité de l’humanité : l’art participe à l’affirmation de l’identité humaine, éduquer à l’art c’est aider chaque individu à prendre conscience de sa dignité d’être humain.

Par ailleurs, l’éducation du regard, l’apprentissage du jugement esthétique est au cœur de cette discipline, qui n’est pas pure histoire ou récit. Savoir analyser ce que l’on voit en s’appuyant sur la perception sensible – ce qui requiert d’affuter les sens et l’esprit – a une répercussion au-delà de l’éducation artistique. Tout comme le raisonnement philosophique permet d’aborder autrement les apprentissages scolaires, mais également les questions de la vie quotidienne, l’éducation du regard est un atout pour l’école et pour la cité : c’est remettre en question les perceptions immédiates pour les questionner, travailler avec le sensible et la raison, savoir lier connaissances et créativité personnelle pour interpréter une œuvre, une image vue sur un média, une scène de rue…

Il y a, de manière évidente une grande parenté entre art et philosophie. Les deux disciplines nous apprennent à travailler pour remettre en cause les évidences premières de la perception de notre environnement. Elles demandent une grande rigueur (celle du raisonnement d’un côté, celle de l’analyse formelle de l’autre) et encouragent la créativité personnelle pour construire une proposition d’interprétation du monde. La philosophie et l’art ne sont pas les hérauts du relativisme, mais ils mettent en exergue la diversité des points de vue tout en témoignant de la quête de sens des hommes. Les artistes cherchent à dire de manière parfaite le monde, les philosophes cherchent à l’éclairer en lui donnant sens.

Ainsi, l’alliage art et philosophie me semble assez naturel pour en faire une proposition éducative visant à développer la pensée attentive, la pensée critique et la pensée créative des jeunes en charge du monde de demain.